L’opération Reinhard
- Claire Stefani
- il y a 6 jours
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L’Opération Reinhard ou Aktion Reinhard en Allemand, était le nom code d’une opération allemande qui eut lieu durant l’été et l'automne de 1941, visant à exterminer les Juifs en Pologne occupée. Elle fut nommée d’après le tristement célèbre Reinhard Heydrich, chef des SS et l’un des architectes de la Solution Finale. Cette opération brisa des milliers de familles juives et entraîna la mort de nombreux Juifs polonais ainsi que d’habitants des régions adjacentes, sous l’autorité du Général SS Odilo Globocnik.
Un contexte de guerre tendu menant à la mise en place de cette infâme opération
L’Opération Reinhard fut un tournant dans l’histoire de l’extermination des Juifs de la Seconde Guerre mondiale. En effet, elle marqua un changement radical dans les méthodes d’extermination, leur ampleur ainsi que leur localisation. Pour comprendre ce qu’est cette opération et mesurer ses conséquences, il est important d’en connaître le contexte historique.
La période de 1941 fut un temps d’accélération de l’extermination des Juifs et ce même avant l’Opération Reinhard, avec la Solution Finale. Lors de l’été 1941, le ministre de l’intérieur allemand Hermann Göring demanda à Heydrich une « solution totale de la question juive », annonçant un renforcement des mesures antisémites, allant jusqu’au massacre. Cette requête de Göring fut concrétisée le 1er août 1941, lorsque Himmler, chef des Einsatzgruppen, ordonna qu’on fusille les hommes juifs et qu’on pousse les femmes juives dans le marais. La violence antisémite est donc indéniable à ce stade, impactant aussi bien les hommes que les femmes. C’est donc dans ce contexte tendu de fin d’été de 1941 que naquit l’Opération Reinhard.
La conception de l’opération peut s’expliquer par deux facteurs dus à cette tension. Tout d’abord, Hitler commença à concevoir qu’une défaite allemande n’était pas impossible et que son armée n’était plus inébranlable. En effet, de 1939 jusqu’à juin 1941, les Allemands connurent de nombreuses victoires militaires faciles. En revanche, le vent tourna en juin 1941 avec le lancement de l’Opération Barbarossa et, par conséquent, de l’offensive allemande contre l’URSS. En raison des conditions météorologiques extrêmement difficiles pour les Allemands, ceux-ci n’arrivèrent pas à mener l’offensive à son terme. Cette opération représenta ainsi une grande perte pour les Allemands, dont la moitié de l’effectif avait été engagée en novembre 1941 contre les Russes. Le nombre élevé de décès a engendré un sentiment d'inquiétude au sein de l'Allemagne nazie. Du fait de cette opération, toute l’Europe fut désormais concernée par le conflit et plus tardivement les États-Unis également. Leur entrée en guerre peut être considérée comme une deuxième cause de la mise en place de l’Opération Reinhard. De facto, les États-Unis rejoignirent le conflit en décembre 1941 en tant qu’ennemi de la Triple Alliance, donc de l’armée allemande. Cette arrivée amplifia l’inquiétude qui régnait déjà en Allemagne puisqu’elle fortifiait la Triple Entente mais aussi parce qu’elle rappela la défaite allemande en 1918. En effet, lors de la Première Guerre mondiale, l’arrivée des États-Unis avait détruit l’Allemagne, conduisant à la fin de la guerre.
L’automne 1941 fit donc craindre à l’Allemagne son infériorité en mettant en évidence sa fragilité. Dès lors, se sentant menacé, Hitler mena une radicalisation du génocide juif ce qui se traduisit notamment par l’Opération Reinhard en Pologne occupée, sous le Gouvernement Général.
La mise en place rapide de l’opération et son but violent
L’Opération Reinhard s’est concrétisée à terme par la mise en place de trois camps d’extermination en Pologne occupée, sous le contrôle du Gouvernement Général : Belzec, Sobibor et Treblinka.
La majeure différence introduite par ces camps est que les Juifs sont désormais exterminés sur place, alors qu’ils étaient auparavant déportés loin des territoires nazis, à Madagascar par exemple. Ce changement de stratégie était visible dès l’automne 1941 avec la mise en place de nombreuses mesures restrictives pour les juifs en un court laps de temps. En effet, le 23 octobre 1941 les autorités allemandes décrètent que les Juifs n’ont plus le droit de quitter leur territoire et seulement quelques temps après, Himmler fait construire Belzec, la première usine de mise à mort de l’opération, dans le sud-est de la Pologne. Ces semaines d’octobre furent donc d’importantes étapes dans la politique antisémite allemande, avec d’autres évènements tels que la construction de Birkenau, annexe d’Auschwitz ainsi que l’envoi des convocations pour la conférence de Wansee par Heydrich lui-même.
La mise en place des camps se fit de manière très méthodique avec la création des camps à proximité de chemins de fer et loin des centres de population. Cela permettait aux Allemands de déporter les Juifs rapidement et en masse, tout en les gardant ignorants de leur destination funeste. C’est d’ailleurs pour cela que le terme d’ « usine » de mise à mort est intéressant. L’organisation de l’opération était méticuleuse avec son système de déportations ainsi qu’avec sa hiérarchie. De fait, les camps étaient sous l’autorité de la SS mais de nombreux prisonniers de guerre, notamment Ukrainiens et Polonais, les faisaient tourner, permettant aux Allemands d’utiliser de la main-d'œuvre étrangère. Les camps eux-mêmes étaient d’ailleurs des camps de travaux forcés pour les juifs qui contribuaient, en ce sens, au déroulement de cette triste opération. Cette autorité allemande était absolument inébranlable puisqu’à Treblinka et Sobibor, il y avait 1 garde SS pour 6 prisonniers ne permettant, à ce moment-là, aucune liberté. De plus, la menace de la mort planait constamment au-dessus des prisonniers qui, bien qu’étant dans des conditions atroces, devaient continuer à travailler pour repousser le plus possible leur mise à mort. Cette menace était d’ailleurs individuelle mais aussi collective puisqu’à chaque tentative d’évasion 10 personnes étaient fusillées pour en payer le prix. Le terme d’ usine prend subséquemment tout son sens par l’organisation mais aussi l'inhumanité de l’opération.
Avec pour but de neutraliser tous les Juifs du Gouvernement Général et de récupérer tous leurs biens (au total plus de 178 millions de reichsmarks ont été confisqués), l’opération se devait de trouver de nouvelles techniques de mise à mort, selon le rapport de Globocnik sur l'opération en 1944. Leurs anciennes méthodes, de fusiller les Juifs dans des tombes déjà creusées, étaient tout aussi inhumaines, mais d’un point de vue stratégique pour les nazis elles n’étaient pas à la hauteur. En effet, cette technique de Shoah par balle n’était pas discrète et nécessitait beaucoup d’hommes. C’est pour cela qu’avec le lancement de l’opération se développèrent de nouvelles méthodes de mise à mort. Tout d’abord vinrent les camions à gaz puis de réelles chambres à gaz, dans les nouveaux camps. Cette technique nécessitait moins d’hommes et permettait de tuer en masse rapidement et discrètement. Les SS dissimulaient d’ailleurs les chambres à gaz en faisant croire aux prisonniers qu’elles étaient de simples douches. L’ampleur de ces actions est notable de par les progrès techniques engendrés mais surtout par les effectifs mobilisés. En juin 1941, les Einsatzgruppen comptaient 3 000 hommes sur le front de l'Est. En décembre, leur effectif avait dépassé les 32 000, soit environ 11 fois plus. Pourtant, avec l’introduction de nouvelles méthodes plus « efficaces », comme les chambres à gaz mobiles, un nombre croissant de victimes pouvait être exterminé avec moins de personnel. Cette évolution annonce l'ampleur gargantuesque des massacres à venir, culminant avec l'Opération Reinhard.
Rébellions, fin de l’opération et ses conséquences
Malgré les répressions violentes envers les prisonniers des camps, certaines rébellions eurent lieu, mais aucune assez grande pour avoir un réel impact sur la vie dans les camps. Par exemple, le 13 octobre 1943 dans le camp Sobibor, des prisonniers dont le Lieutenant Pechersky tuèrent simultanément une dizaine de gardes SS et, lors de l’appel, se ruèrent sur les barrières du camp pour s’enfuir. Grâce à cet évènement 300 juifs purent se sauver mais malheureusement des actions comme celles-ci étaient rares, dangereuses et ne faisaient pas le poids face à la machine nazie : les camps.
Même si ces rébellions ne purent pas sauver beaucoup de vies, elles contribuèrent à la fin des camps en Pologne sous le Gouvernement Général. En effet, après la fermeture du camp Belzec en décembre 1942, les prisonniers furent déportés vers Treblinka et Sobibor. Mais lors de l'automne 1943, des révoltes entraînèrent la fermeture des camps. En revanche, bien que celles-ci marquent la fin d’un grand massacre, la majorité des prisonniers restants furent tués par les SS lors de leur désassemblage. Après cela, les autorités nazies ont construit un manoir ainsi que des arbres pour masquer les horreurs qui avaient eu lieu.
Conclusion
En conclusion, l’Opération Reinhard fut dévastatrice pour les Juifs du Gouvernement Général mais aussi de Slovaquie, Grèce, territoires du Reich et autres régions Européennes. Il y aurait eu 500 000 Juifs du District de Lublin et de Galicia tués à Belzec, 250 000 du District de Lubin à Sobibor et 900 000 de Varsovie et Radom à Treblinka. L’estimation générale établit la mort de 2 000 000 Juifs , suite à l’Opération Reinhard. Cela témoigne de l’inhumanité de cette action. De nombreux films capturent, par ailleurs, ce qu’il s’est passé dans les camps polonais à cause de l’opération, tels que le documentaire de Claude Lanzmann qui dévoile l’histoire de la révolte à Sobibor à travers les yeux d’un prisonnier ayant survécu.